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Sujets - Elanor

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Ces moments furent les plus durs de mon existence. Je me suis réveillée pataugeant dans un ruisseau glacé, bleue de froid, tremblante et en état de choc. J'avais l'impression d'avoir des milliers d'aiguilles dans la jambe, et chaque mouvement de ce membre cassé m'arrachait un cri. Je me trainais péniblement vers une pierre dont le surplomb pouvait m'abriter un peu, récupérais quelques branches de bois mort, et réussis tant bien que mal à allumer un misérable feu.

Je me réveillais sous un ciel blanc de cette luminosité si particulière annonçant la neige. Combien de temps avais je pu rester inconsciente ? De mon feu, seules subsistaient quelques braises. Rester ici serait la mort assurée. Non loin de moi, la falaise par dessus laquelle j'avais chuté offrait à ma vue quelques failles, et une mince lueur d'espoir. J'atteignais une grotte au bout de longues heures d'efforts, et entrepris de refaire un foyer pour me réchauffer. Dehors, la neige s'était mise à tomber, marquant le début d'un hiver qui allait me bloquer ici de longs mois.

Bien vite, mes maigres réserves de nourritures s'épuisèrent. Mes journées se limitaient à chercher du bois, toujours plus loin de mon abri, et dénicher de la nourriture. Le plus souvent des racines, parfois un lièvre des neiges pris dans un collet. Mon salut se trouva aussi dans un Yéti venu mourir non loin de ma grotte et dont la peau, quoique puante, gardait quelque chaleur. Ce ne fut qu'avec la fonte des neiges, sale, amaigrie et puante, marchant à l'aide d'une béquille improvisée dans une grosse branche, que je pus enfin redescendre au village de chutes blanches.

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Le bon vieux temps...

... était celui où, dans les bas quartiers de la ville et sur ses toits, j'officiais et remplissait mes contrats. En tant qu'assassin, je m'étais taillée une petite réputation, et le bouche à oreille faisant, je manquais maintenant rarement de travail. Et cela payait bien, j'en vivais plus que confortablement.

Bien sûr, au loin, la guerre faisait rage, mais ici, en sécurité derrière les murailles, avec les bourgeois, les aristocrates et autres nantis, je pouvais mener une vie tranquille.
Jusqu'à ce contrat qui n'en était pas un. Un travail simple en apparence, bien payé, peut être un peu trop. Je n'avais pas vu venir le coup. Bien sur, seule dans cette arrière boutique, encerclée par une demi douzaine de brutes, je n'avais pas trop le loisir de réfléchir aux erreurs que j'avais pu commettre. Et au final je mourrais sans même savoir qui j'avais pu offenser, quelle transaction j'avais pu gêner, ni qui avait payé pour me supprimer.

Mon âme fut arrachée à l'oubli. J'ouvris les yeux dans un lieu étrange, entourée de machines. Que se passait il ? Où étais-je ? Une foule de questions montait à mes lèvres, et je noyais la personne qui me faisait face d'un déluge ininterrompu de paroles. Oui, quelques dizaines d'années avait passé depuis ma mort, et pendant ce temps, le monde avait changé. La guerre.. la guerre avait été perdue, les dernières poches de résistance succombaient les unes après les autres, et les morts étaient rappelés à la vie pour combattre... pour une cause désespérée ?
Non. Il existait une porte de sortie, un aller simple vers l'espoir, un moyen de retourner dans le passé, dans une dernière tentative de sauver le monde... mon monde. Sans un regard en arrière vers ce futur mourant dans une longue agonie, je prenais la chance qui s'offrait à moi, et courrais à travers le passage temporel.

- Une élue !

Etre élue ? c'était donc ainsi que dans le passé ils voyaient les pauvres âmes arrachées à l'oubli pour venir renforcer leurs rangs, dans l'espoir d'éviter la déroute absolue et totale que j'avais entr'aperçue dans le futur ? Je titubais mes premiers pas dans ce monde, et lisais dans leur regard l'espoir d'un peuple entier. J'avais envie de leur hurler que je n'étais pas celle qu'ils croyait, que ce pouvoir qu'ils m'avaient donné dans le futur, je ne le maitrisais pas, je ne le comprenais pas, que ca semblait tellement trop pour mes seules épaules...
Quelque chose dans leur regard m'en dissuada. Plus qu'une épée de plus, ces gens la avaient besoin d'espoir, et cet espoir, c'était pour le moment tout ce que j'incarnais à leurs yeux. Je me sentais mal, comme prisonnière d'un mensonge trop lourd pour moi, mais j'essayais de ne pas céder à la panique, et de faire bonne figure.  

Je me mettais sans plus attendre en route vers Meridian, la capitale. Une multitude de questions auxquelles je n'avais aucune réponse satisfaisante me troublaient. Mais par dessus toutes, une seule revenait: pourquoi moi ?
Je découvrais un monde qui était le mien, mais un monde en guerre totale, un monde qui avait déjà bien changé. Une faille s'ouvrit près de moi, et j'eus un moment peur qu'elle mette un nouveau terme à mon histoire avant même de l'avoir recommencée. Je me battis avec rage. Avec désespoir. J'avais connu la mort, l'oubli, et malgré la peur panique que je ressentais, j'avais soif de vivre.

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