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Messages - Elanor

Pages: [1]
1

Je pénétrais dans ma chambre après une nouvelle soirée passée dans des souterrains à combattre les atrocités qui servaient Régulos. Un ballet bien rôdé maintenant, ou plutôt, un assaut en règle. Le quotidien des élus. Ouvrant un tiroir, je remarquais le volume poussé au fond, oublié là. Un journal... mon journal...

Celui qui avait relaté mes craintes à mon arrivée. Celui qui avait recueilli mes peurs, mes rêves et mes espoirs. Et au final ? Rien. Oh, je sais ce que vous allez dire: que désirais tu ? Un chalet au village de chutes blanches ? Je l'avais. Une suite dans l'une des meilleures auberges de Méridian ? Aussi, et à l'année. Et pour en arriver là ? Pas le moindre assassinat, pas le moindre travail un peu moralement répréhensible. Maître Kyan serait fier de moi ! Non, j'avais seulement combattu jour après jour les Dragons, bonne petite élue qui s'était conformée au moule de ce qu'on attendait d'elle. Rien, ou si peu...

L'espoir d'un monde meilleur, les contacts noués, parfois chez les Gardiens à grands risques, parfois parmi les miens. Qu'en restait il ? Depuis quand n'avais je seulement croisé une tête connue ?

Et malgré cela, l'espoir subsistait. Les accrochages entre les factions se font rares, et j'ai surpris des discussions de couloir. La rumeur d'une détente. Peut être que, bientôt, tous les Telariens feraient front commun contre l'ennemi...

2
La nouveauté était arrivée dans ma vie sous la forme d'une convocation. Quelqu'un avait décidé en haut lieu de m'envoyer rencontrer les Gardiens, afin de négocier une "entente d'intérêt général au sujet de l'île de Braise".
La négociation ? Qui pouvait avoir comme idée de me confier une tâche comme celle-là ? C'est dans un austère bureau de Meridian que je découvrais les motivations politiques derrière tout cela. Un art tout aussi complexe que celui d'ôter la vie, visiblement. Mais nos dirigeants avaient décidé d'être pragmatiques et de ne pas disperser nos forces. Un arrangement avec les Gardiens était envisageable, pour peu qu'il soit à notre avantage.

Je n'avais jamais vraiment non plus réfléchi à ma façon de percevoir les Gardiens. Ceux d'en face ? Pour autant, ne combattait-on pas tous pour la survie de Telara ? Détruire leur faction pour ensuite périr sous le coup des assauts planaires, cela a-t'il un sens ? Des fois le pragmatisme a du bon. Souvent en fait.

C'est ainsi que je me retrouvais dans le coeur des labeurs, en compagnie de quelques autres Renégats: Maitre Kyan, Messire Shindaal et Dame Syrielle. Les Gardiens avaient eux décidé de venir en force, plus d'une vingtaine des leurs occupant la salle. Avec le recul, je me dis que cette soirée a définitivement changé ma perception de Telara. Les Gardiens sont plus extrêmes que nous autres Renégats. En cela, ce sont bien les fanatiques qui ont décrété la mise à l'écart de notre faction. Beaucoup d'entre eux sont intransigeants, nullement prêts à s'entendre, et veillent surtout à bien surveiller les faits et gestes des plus ouverts d'entre eux, n'hésitant pas à aller jusqu'à donner la chasse aux leurs qui a leur yeux pactisent trop avec l'ennemi que nous représentons à leurs yeux..



Mais il y a aussi des personnes de bon sens, même si elles doivent se faire discrètes pour pouvoir continuer à oeuvrer. Même si la négociation avait débouché sur un accord minimaliste, il m'arrive encore souvent de croiser Dames Leyah et Rokuchan, Messire Mav ou encore cette personne à part qu'est Messire Drelnas.

Ce matin est arrivée une nouvelle convocation. Je vais devoir me rentre à nouveau à une négociation, cette fois au Rivage de Fortune. Toujours les mêmes raisons, des négociations discrètes, menées par des personnes sans aucune reconnaissance officielle... Je commence a penser qu'il y a certaines choses qu'on en nous dit pas, là dessous...

3
Assise à l'ombre d'un arbre, je contemplais sans les voir les plaines de Libremarche qui s'étendaient devant moi, perdue dans mes pensées. L'arrivée des élus avait profondément changé la société. Avoir eu l'occasion de mourir une fois vous donnait nécessairement un peu de recul lors de votre seconde chance, mais cet état d'esprit semblait avoir contaminé tout le monde à Méridian. Si vous rencontriez quelqu'un à la taverne, et que vous commenciez à discuter, vous vous rendez vite compte que soit votre interlocuteur se vouait corps et âme à la guerre en cours, soit qu'il a décidé de saisir sa seconde chance et de profiter pleinement de sa vie. Les altruistes et les égoïstes, en somme. La guerre montrait toujours ce qu'il y avait de meilleur et de pire dans chacun. Pour autant, pouvait on en vouloir à quelqu'un de vouloir saisir une opportunité de refaire sa vie ? Si vivre un peu pour soi signifiait être égoïste, alors mon choix était fait.

En ce moment, la mode du "profiter pleinement" était très liée au fait de s'afficher en couple sans retenue dans les lieux publics. Je pouvais comprendre cette envie d'aller à l'essentiel, de ne pas perdre de temps avec le superflu ou le regard d'autrui. Cela me mettait quand même parfois mal à l'aise, mais je dois reconnaitre ne pas être très démonstrative.

Ashaën devait être en train de dormir dans ma chambre. J'avais rencontré la milicienne quelques jours plus tôt à la taverne, juste avant qu'elle ne se blesse gravement au combat. Elle devrait se passer des nuitées à la belle étoile quelques temps. Même si elle avait assez peu laissé planer le doute quant à son attirance pour moi, Ashaën ne me forçait pas la main, et j'appréciais sa compagnie. Maître Kyan avait été beaucoup plus direct quand il m'avait avoué s'être attaché à moi. J'avais toujours un peu honte d'avoir mal réagi et fui la première fois. C'était simplement étrange de les avoir lui et Ashaën assis à la même table. Pas forcément agréable pour moi, d'ailleurs. Je savais qu'à un moment je devrais peut être y mettre le holà pour préserver ma liberté.

Malkarsh et Yriane m'avaient présenté à leur clan, et les premiers contacts s'étaient bien passés. J'avais laissé une lettre à un officier, afin de proposer mes services au clan. J'avais aussi envoyé une missive à l'estoc, demandant des instructions à mots couverts, et j'attendais que ses membres me contactent. Pas de travail... Je devrais peut être considérer l'offre qu'Asami semblait vouloir me faire. Je n'aimais pas travailler pour l'armée, mais la Kelari avait un esprit pratique qui ne s'embarrassait pas des considérations militaires habituelles. Ca en faisait une relation d'affaires agréable, et puis c'était une bonne combattante. Une aberration à un poste de commandement dans l'armée, mais bon, on était en temps de guerre et elle avait pris pour habitude de survivre aux combats, à la différence de ses supérieurs qui finissaient invariablement entre quatre planches quand ils ne servaient pas de nourriture aux corbeaux.

La course du soleil avait dépassé son zénith. L'heure de rentrer, et de voir quelles surprises me réservait cette journée...

4
Je passais quelques temps dans une auberge à retrouver la santé. Que le monde avait changé en mon absence ! Il me semblait ne plus connaitre personne. Ma première rencontre avec mon passé eut pourtant lieu peu après, lorsque je tombais sur mon ancien Maitre d'Armes, Kyan, au détour d'une ruelle enneigée. Passé le premier moment d'étonnement, il m'invita à la taverne me réchauffer et lui conter mon histoire. Les souvenirs que l'on échangea me remémorèrent de bons moments, et nous nous séparâmes sur ma promesse d'aller lui rendre visite aux sables chatoyants quand je serais un peu remise.

Avec les forces qui me revenaient, je passais de plus en plus de temps dehors, tout en restant trop faible pour entreprendre le long voyage du retour depuis les pics. Heureusement, il y avait du passage aux Chutes Blanches. J'y croisais brièvement Messire Shindaal, et perdue dans mes pensées bousculais une jeune Eth qui récupérait son courrier. C'est ainsi que je rencontrais Yriane et Malkarsh, un jeune couple charmant et ouvert. Installés devant la massive cheminée de l'auberge, nous fîmes connaissance, parfois salués par l'une de leurs nombreuses relations, parfois rejoints à table par l'un de leurs amis. Certains étaient durs, comme la plupart des soldats marqués par la guerre. Certains étaient amicaux, tel Messire Jedan, qui n'hésitait pas à prodiguer des conseils. Je pus entendre des nouvelles de Méridian, dominées par la politique et par une mystérieuse Milice Pourpre qui piqua ma curiosité.

Enfin arriva le jour où je pus prendre la route, et revoir les tours de Méridian...

5
Récits - l'ombre des déchus / [Récit] Tome II - L'Orchidée noire
« le: 08 novembre 2011, 17:55:19 »
Ces moments furent les plus durs de mon existence. Je me suis réveillée pataugeant dans un ruisseau glacé, bleue de froid, tremblante et en état de choc. J'avais l'impression d'avoir des milliers d'aiguilles dans la jambe, et chaque mouvement de ce membre cassé m'arrachait un cri. Je me trainais péniblement vers une pierre dont le surplomb pouvait m'abriter un peu, récupérais quelques branches de bois mort, et réussis tant bien que mal à allumer un misérable feu.

Je me réveillais sous un ciel blanc de cette luminosité si particulière annonçant la neige. Combien de temps avais je pu rester inconsciente ? De mon feu, seules subsistaient quelques braises. Rester ici serait la mort assurée. Non loin de moi, la falaise par dessus laquelle j'avais chuté offrait à ma vue quelques failles, et une mince lueur d'espoir. J'atteignais une grotte au bout de longues heures d'efforts, et entrepris de refaire un foyer pour me réchauffer. Dehors, la neige s'était mise à tomber, marquant le début d'un hiver qui allait me bloquer ici de longs mois.

Bien vite, mes maigres réserves de nourritures s'épuisèrent. Mes journées se limitaient à chercher du bois, toujours plus loin de mon abri, et dénicher de la nourriture. Le plus souvent des racines, parfois un lièvre des neiges pris dans un collet. Mon salut se trouva aussi dans un Yéti venu mourir non loin de ma grotte et dont la peau, quoique puante, gardait quelque chaleur. Ce ne fut qu'avec la fonte des neiges, sale, amaigrie et puante, marchant à l'aide d'une béquille improvisée dans une grosse branche, que je pus enfin redescendre au village de chutes blanches.

6
Vous ne pouviez pas clamer haut et fort avoir un passé de voleuse et l'assumer sans un jour le voir ressurgir derrière vous. En l’occurrence, c'est sous la forme d'une invitation mystérieuse à une soirée sur l'ile de Verivage que ce passé se manifesta. Elanore contacta Arkehyna, pour s'apercevoir que la Kelari avait elle aussi reçu la même lettre mystérieuse. Elle embarquèrent donc dans une barque pour la traversée, et se retrouvèrent bientôt sur l'île, ou un mystérieux guide les amena dans une maisonnette au pied d'une tour. Il leur parla d'un ordre secret. Il vanta les mérites d'une autre façon de combattre, moins directe, plus souterraine. Il leur demanda si elles étaient intéressées à l'idée de les rejoindre... Et en échange, tout ce qu'il réclama, ce fut leur silence. Une fois le marché passé, il les mena à la tour rencontrer leurs nouveaux compagnons d'armes...

(...)

Elanore avait décidé de quitter quelques temps Méridian, et d'aller dans les hauteurs enneigées pour quelques jours. Les grandes étendues glacées jouissaient d'un silence seulement troublé par le sifflement du vent. Un endroit parfait pour y faire retraite, pour y réfléchir. Avait elle replongé dans son passé en acceptant ce travail ? Pour autant, tuer sur un champs de bataille où le faire dans un palais, où était la différence ? Non. La véritable question, c'était, avait-elle trahi l'espoir placé en elle ? Sans doute que non, et puis, elle était maintenant assez grande pour décider elle même de la voie qu'elle voulait emprunter.

C'est en redescendant vers le village des chutes blanches que la glace rompit sous ses pieds et que son avenir bascula...

Fin du tome I

7
Elle s'éveilla aux lueurs de l'aube, alors que le soleil pointait sa première lueur au dessus de l'étendue de l'océan. Une couverture était posée sur ses épaules, pour atténuer l'air frais du petit matin. Elanore s'assit et regarda autour d'elle. Elle était seule, sur l'étendue d'herbe qui menait à la plage. Un papier dépassait de sous la cape roulée en boule qui lui avait servi d'oreiller. Kyan avait du partir avant l'aube... Elle s'étira, et ramena les mèches folles de ses cheveux qui lui tombaient devant les yeux dans sa coiffure. Attrapant dans son sac quelques fruits secs, elle prit le temps de déjeuner frugalement en regardant le soleil se lever. Elle força ses épaules à se dénouer. Le sol était dur. Dur et froid. Les moustiques étaient pénibles, et le soleil se levait trop tôt. Non, elle n'était définitivement pas du matin.

Les brumes du matin se déchiraient sous l’effet des premiers rayons du soleil, et en face d’elle apparut une côte basse et marécageuse. Les bois d’argent. C’était donc la bas que l’alliance des Gardiens se regroupait. Si près et à la fois si inaccessible. Presque à regret, elle remit son baluchon sur son épaule et prit le chemin du retour. Une longue marche l’attendait.

(...)

Elanore avait retrouvé Kyan à l’auberge des chutes de granite. A croire que le lieu devenait une sorte de point de rendez vous. Avec un petit groupe d’aventuriers, ils avaient tenté de descendre dans les mines de Couprofond. C’est couverts de poussière et de blessures qu’ils émergèrent de la mine, après plusieurs heures de combats. Les bandages en vente à l’auberge n’y suffiraient pas, un peu de repos serait nécessaire pour se remettre de ces émotions et c’est la direction de Meridian qu’ils choisirent donc.

En traversant la grand place, Kyan s’arrêta pour saluer une jeune femme, Dame Syrielle. Quand cette dernière lui répondit que malgré les inquiétudes du Kelari elle était rentrée saine et sauve, l’Eth ne put réprimer un sourire. Messire Kyan, sous ses airs durs cachait finalement bien mal un naturel protecteur et attentionné. Les présentations faites, la conversation fut cependant de courte durée, l’appel du repos se faisant pressant autant pour Elanore que pour le Kelari. Un quiproquo qui poussa Dame Syrielle à leur demander s’ils étaient “ensemble”.

Kyan et Elanore échangèrent un regard gêné, cette dernière rougissant avant de balbutier qu’elle n’était que l’élève du maître d’armes. Kyan confirma, mais l’Eth avait de plus en plus l’impression de ne pas être à sa place, de causer du trouble, et rapidement, elle prit congé afin de regagner sa chambre.

8
Epuisée par les combats de la veille, Elanore s'était réveillée tard dans la matinée. Quand elle était descendue dans la salle commune de l'auberge, le tavernier lui remit une lettre avec son déjeuner. Une lettre ? la jeune Eth fronça les sourcils. Elle ne voyait pas qui pouvait lui écrire, surtout ici. Elle parcourut la salle du regard. Ou était passé Messire Kyan ? Elle brisa le sceau, et déroula le parchemin. La signature était celle de Kyan, l'écriture forte et affirmée, à l'image du Kelari. Il disait en substance être parti au petit matin, mais espérait qu'ils deviennent amis et que l'atavisme entre leurs races ne serait pas un fossé creusé entre eux. Elanore sourit. C'était bon de ne plus se sentir seule, d'appartenir à une... communauté. Elle profita de la journée pour s'offrir une pause, rentrer à Meridian, s'acheter quelques vêtements, et rendre visite à Arkehyna...

(...)



Cela faisait quelques jours maintenant qu'Elanore avait pris sa chambre à l'auberge des Chutes de Granite. Elle appréciait le grondement de l'eau tombant en cascade au loin, et surtout cela tranchait avec le bourdonnement incessant de Meridian. Ses journées se ressemblaient toujours toutes, mais les doutes qu'elle avait pu nourrir la laissaient enfin en paix, et elle prenait simplement plaisir à vivre. Un matin vint où elle trouva Kyan dans la salle commune. Elanore sourit et s'installa en face du Kelari, partageant son déjeuner avec lui.

- J'ai rencontré votre amie. entama Kyan.
- Qui ca ? demanda Elanore, étonnée.
- Arkehyna. D'ailleurs nous nous sommes disputés.

Etant donné leurs divergences de point de vue marqués, la "dispute" était le moins que l'on pouvait s'attendre entre eux, pensa l'Eth. Ne sachant trop que répondre à cela, elle resta coise, attendant que Kyan reprenne l'initiative de la discussion.

- Nous nous sommes disputés à ton sujet. finit-il par préciser.
- A cause de moi ?
- Oui. Elle pense que je cherche à t'imposer une façon de vivre, alors qu'elle préfère te laisser libre de tes choix.
- Je ne me pose plus vraiment ce genre de questions, je vis au jour le jour maintenant. répondit doucement la jeune Eth.
- Je n'ai pas envie que tu reprennes ton ancienne vie, que tu tues des innocents.
- Mon ancienne vie est derrière moi. La nouvelle...

Elanore laissa sa phrase en suspens. Elle n'avait pas réfléchit à cela, et pas envie de le faire pour le moment.

Elle proposa alors de sortir, afin de détourner la conversation. Au revoir champs de pierre, bienvenue aux gorges écarlates... A la pluie avait succédé la poussière sèche et ocre. Elanore et Kyan descendaient le chemin muletier, toujours plus bas vers le fond des gorges. Ils arrivèrent à un village de mineurs. L'humeur de Kyan s'était peu à peu assombrie, le Kelari était devenu silencieux, puis franchement maussade. Il s'assit à l'ombre d'une cabane de mineur, trainant dans son sillage une Elanore inquiète. Kyan lui avoua que la mer lui manquait. Elle lui proposa alors de prendre la direction de Libremarche, glissant malicieusement qu'il lui devait toujours cette promesse de l'emmener dormir à la belle étoile...

9
"Noir le ciel, noires les âmes, noires les pensées. Ainsi en avait il été jusqu'à présent. Avant que je rencontre des Élus, des êtres comme moi qui avaient aussi connu le doute, mais s'étaient trouvé des raisons d'avancer. Je ne pouvais pas encore dire qu'il en allait de même pour moi, mais ce matin les pensées n'étaient plus aussi noires..."

Elanore descendit sur la grande place de Meridian, allant comme chaque matin aux nouvelles. Elle rencontra d'abord Arkehyna devant le porticulum, puis Messire Kyan parut peu après. Dire que la rencontre entre les deux Kelari promettait d'être tendue serait bien en dessous des craintes de la jeune Eth, tant les convictions de ces deux la s'opposaient sur tout. Un froid s'installa rapidement dans la discussion, mais l'opposition violente qu'Elanore craignait resta à l'état latent, et les nombreuses connaissances de ses compagnons Kelari qui s'arrêtaient pour les saluer renouvelait les sujets de conversations. Une Kelari nommée Nemesis salua Arkehyna, suivi par une Bahmi disant s'appeler Liseron, qui avait rencontré Kyan lors d'une soirée qu'elle décrivit comme bien arrosée. La conversation dériva vers les quelques Eths qu'avaient rencontrés Elanore, qu'elle jugeait moins extrêmes que les Kelari. Ce à quoi Kyan répondit que son peuple avait des convictions fortes. Puis Arkehyna prit congé, laissant Elanore seule avec Kyan. Il lui proposa alors de l'accompagner au combat, comme il le lui avait promis la veille, et peu après ils franchissaient le porticulum vers les champs de pierres.

(...)

Kyan s'était révélé être un maitre d'armes prévenant et attentif, prenant garde à la sécurité de la jeune Eth, et dédramatisant ses blessures après les échauffourées les plus tendues.
Elanore prenait plaisir à manier ses lames aux cotés du Kelari, qui la veille encore lui avait confié que vu son caractère il l'aurait plutôt pensé guérisseuse. Une fois la crypte nettoyée de ses morts vivants, ils avaient regagné l'auberge située aux pieds des chutes de granite, et une choppe d'hydromel à la main s'étaient accoudés à la rambarde, regardant les trombes d'eau tomber dans leur rugissement si caractéristique, et soulevant un voile de gouttelettes.


- Vous vous battez pas mal. Complimenta Kyan.
- Merci. Vous autres Kelari êtes des êtres.. spéciaux. Répondit Elanore.
- En bien ou en mal ?
- Dans le sens ou vous vous donnez un air froid, mais seuls ceux de votre peuple m'avez aidé depuis mon arrivée à Meridian.
- Nous sommes un peuple extrême, comme vous l'avez dit, et cela s'applique aussi en amitié.
- En tous cas je suis heureuse de vous avoir rencontrés, vous chassez mes doutes.

Ils continuèrent à deviser un moment, jusqu'à ce que l'aubergiste vienne leur proposer une chambre, et qu'ils rentrent prendre un repas avant la nuit, en compagnie d'autres voyageurs. Elanore voyait bien que parfois ses réactions gênaient le Kelari, sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi. C'était peut être mal vu chez eux d'avoir une élève Eth, compte tenu de l'atavisme entre leurs peuples. Pourtant, il était évident qu'au fond les Kelari appréciaient celle qu'ils appelaient tous affectueusement "gamine".


10
Le jour aurait déjà du se lever sur Meridian, mais tout ce que voyait Elanore par la fenêtre de sa petite chambre était un ciel noir et chargé d'où presque aucune lumière ne filtrait. Dans les couloirs de la bibliothèque, elle avait surpris les élèves échanger les rumeurs d'une attaque imminente de Régulos. Loin, en dessous, dans la cour pavée de Meridian, un attroupement s'était formé. Il paraissait qu'il y avait une prime pour chaque faille de la mort refermée. L'espoir paraissait s'amenuiser jour après jour. La jeune Eth boucla son armure et prit ses lames, et descendit se mêler à la foule. Les visages était graves, nul rire ne se faisait entendre dans les rues de la ville. Devant les murailles, les élus battaient la campagne en de larges groupes, fondant sur chaque faille dès son ouverture. Elle sella son cheval et partit se joindre à eux.


Les heures avaient passé, et la fatigue commençait à se faire sentir. Elle avait mal aux bras à force d'armer son arc, où de lever ses lames encore et encore. La dernière faille qu'elle avait combattue s'était ouverte juste sous les murailles, et une fois le combat fini, alors que la troupe repartait en chasse et qu'elle retrouvait lentement ses esprits, un jeune Eth présent dans le groupe lui adressa un signe. Elle mit quelques longues secondes à s'apercevoir que ce salut lui était destiné, avant de réagir et de répondre d'un timide geste de la main. Le jeune homme s'approcha d'elle. Il pensait l'avoir déjà rencontrée, près du havre de Smith. Elle se remémora le jeune Eth courtois dont elle avait omis de demander le nom, et de fil en aiguille, la conversation s'engagea entre les deux Eths. Arkyn, au moins cette fois ne repartirait pas sans qu'elle sache son nom, se montra d'agréable compagnie, ne se posant pas trop de questions au quotidien et compensant ses doutes par une inépuisable bonne humeur. Mieux, sa bonne humeur était communicative, et peu après le sourire était revenu sur les lèvres d'Elanore. Pour la première fois, elle rencontrait quelqu'un avec qui elle se sentait en accord, et qui chassait les idées noires qui la poursuivaient depuis son arrivée à Meridian. Ils finirent par prendre congé, non sans avoir promis de se revoir à l'occasion, et alors que Arkyn disparaissait sur son cheval, Elanore se dirigea vers le chapiteau monté devant Meridian, où elle pourrait prendre un peu de repos et surement aussi une collation.

Au bar, un groupe de guerriers fêtait visiblement quelque chose. S'approchant, elle reconnut Kyan, le Kelari avec qui elle et Djianne avaient eu une discussion animée. Ce dernier la reconnut aussi, et lui adressa un signe de la tête. S'ils abordèrent bien le sujet de leur dévouement à la cause telarienne, ce fut d'un ton plus mesuré. Kyan abordait toujours son combat comme une finalité, un dû aux habitants de Telara, sans nourrir d'espoir propre pour lui-même. Il moqua même les aspirations personnelles de la jeune Eth, qualifiant ses envies de rêves de jeune fille, mais sous ses dehors durs et froids, il avait de temps à autre une phrase plus douce, souhaitant seulement qu'elle trouve pour elle une raison de se battre pour Telara.
Ce faisant, il gardait aussi un oeil sur le reste du groupe, qui finit par se présenter. Daslam et ses Chasseurs Planaires. Le Bahmi était accompagné d'un mage et d'une jeune femme, tous deux Kelaris. Le groupe semblait surtout parler d'affaires internes à leur ordre, avec souvent une digression de la jeune femme qui s'intéressait surtout à un homme parti en forêt avec une autre. Finalement, la fête prit fin et les chasseurs reprirent la route. Kyan proposa à Elanore de la raccompagner. Ils finirent de discuter en traversant Meridian. Il pourrait peut être l'emmener combattre, afin qu'elle gagne confiance en elle. Mais pour cela il faudrait d'abord qu'elle cesse de s'excuser à tout va. Cela finit de détendre l'atmosphère, et Elanore explosa de rire. Quand il la laissa à l'entrée de la bibliothèque, elle remonta les étages avec une bonne humeur et une joie de vivre nouvelles.

11
Le siège d'Underland / Re : Les aventures d'un woof
« le: 31 mars 2011, 17:52:10 »


Je fais pas de commentaires ^^

12
Les jours passaient, une certaine routine s'installait et Elanore se sentait toujours aussi seule. Dans les faits, elle avait quelque part fini par adopter la façon de vivre de Djianne: elle parcourait Telara pour contenir les invasions, au moins ca occupait. En plus elle était payée pour ca, ce qui lui convenait tout à fait dans l'esprit.

Elle avait fini par adapter son art de tuer au monde qui l'entourait. Finies, les étroites et sordides ruelles des villes, où l'ombre et la surprise étaient ses seules alliées. Dans les vastes plaines, sa science du combat s'était adaptée à son nouveau terrain de jeu, aux espaces qu'il lui laissait. Les lames volaient, passant rapidement d'un point à l'autre. Un instant cherchant à se glisser sous la garde de l'adversaire, ou parant un coup, le suivant se glissant dans un défaut de l'armure. Les lames dansaient.


Un soir, Elanore recroisa le chemin de la mystérieuse Arkehyna. Egale à elle même, la Kelari traçait sa route, appliquant son crédo égocentrique et profitant de sa seconde chance à fond. Les deux jeunes femmes s'entendaient plutôt bien, sans pour autant partager de réelle affinité, mais leur vision du monde compatible ne les lançait au moins pas dans des discussions philosophiques sans fin. Les remarques acides d'Arkehyna arrachaient même parfois un rire à Elanore. La vision cynique de monde de la Kelari teintait ses conversations d'une certaine forme d'optimisme. Elle encouragea la jeune Eth à s'intéresser de plus près à un jeune homme qui avait été courtois avec elle, et déplora son manque d'à propos quand Elanore avoua avoir oublié de lui demander son nom.

Un peu plus tard, un peu plus loin... Qu'importait le décompte des jours, chacun ressemblait tellement au précédent. Elanore arrivait sur une faille, et formait tacitement une alliance temporaire avec un jeune Eth. Ils combattirent côte à côte l'invasion, et les chants du jeune homme lui redonnaient courage et vigueur à chaque fois qu'elle menaçait de plier sous les assauts des créatures du plan de la mort. L'invasion finalement repoussée, elle le remercia chaudement pour son aide, et il accepta de lui enseigner quelques rudiments de ses chants. Elle en avait le potentiel, elle le savait, les âmes des anciens qui coulaient en elle et se mêlaient à son être le lui susurraient. Un autre jour de passé, un petit objectif à atteindre, une petite raison de se lever un autre matin, et toujours une vie de solitude à meubler...

13
Elanore ne savait pas pourquoi elle s'était lancée dans cette conversation. Elle avait poussé un juron contre ceux qui prenait les allées de Meridian pour un champs de courses, et un galant inconnu avait donné de la voix dans son sens. Une Kelari était descendue de cheval en s'excusant... et elles avaient engagé la conversation. Enfin un semblant, jusqu'à ce que les trompettes sonnent l'alerte devant les portes de la cité. L'autre l'avait plantée là, et Elanore ne savait pas trop pourquoi elle l'avait suivie, au fond.

Après la bataille, elles avaient repris leur conversation, Djianne -c'était le nom qu'avait donné la Kelari- n'attendait rien de la vie, et entendait se livrer corps et âme à la guerre. Cela tranchait singulièrement avec la discussion qu'elle avait eu la veille avec Arkehyna... Djianne lui avait dit avoir déjà tout perdu avant la fin de sa précédente vie, et qu'elle n'était pas prête à vouloir reconstruire. Cela l'avait émue. Elanore n'avait rien perdu, elle qui n'avait jamais rien eu à quoi tenir, mais la Kelari cachait visiblement une blessure dans son âme. Touchée, elle avait posé une main sur son épaule, lui disant à voix basse qu'elle espérait qu'elle retrouve une raison de vivre, mais Djianne avait bondi en arrière, et un autre Kelari en avait profité pour s'inviter dans la conversation.

Kyan aurait pu être le jumeau de Djianne. Il vivait pour sa mission, faire ce pour quoi il avait été rappelé, à l'exclusion de toute autre chose. Pourquoi vouloir vivre aussi pour soi ? Parce que, pour entretenir l'espoir, il fallait en avoir un pour soi, pensait Elanore. Elle les trouvait tristes, pour des êtres sensés incarner l'espoir à tout un peuple. Elle le leur dit, mais ils ne semblèrent pas comprendre pourquoi elle ... avait tant besoin d'un espoir auquel se raccrocher elle aussi.

Devant le front commun des Kelari, Elanore se résigna à abandonner, et à regagner sa chambre. Djianne lui semblait si inhumaine, si différente d'elle, pourquoi s'entêter et vouloir à tout prix s'en faire une amie ? Alors qu'elle montait les escaliers la menant à ses quartiers, deux larmes perlèrent et coulèrent sur son visage. Elle se sentait seule, tellement seule...

14

Finalement, j'arrivais à Meridian. J'étais exténuée. J'étais sale. J'avais les yeux rougis, les vêtements déchirés, la faim au ventre, mais j'étais arrivée.
Je fus accueillie sur l'esplanade devant les murs de la ville par une troupe de marchands. Ils disaient proposer des articles à des prix intéressants, mais tout ce à quoi j'aspirais, c'était une bonne chambre d'auberge, un repas, et une bassine d'eau chaude où me baigner. Ils m'indiquèrent les tentes devant les portes de la ville. Remettant mon balluchon sur l'épaule, je m'apprêtais à m'y rendre, quand passant devant l'enclos des chevaux et perdue dans mes pensées, je lâchais un "Les tentes... et ben y a du boulot..." un peu désabusé.

- Pourquoi avoir une toile sur la tête quand on peut avoir un toit ?

Je relevais la tête juste à temps pour voir la Kelari qui avait prononcé cette phrase disparaître dans la foule.

- Comment ca un toit ?

Mais je ne m'adressais à plus personne, la Kelari avait disparu. Je fendis la foule pour la retrouver.

- Dame, comment ca un toit ? répétais-je en arrivant dans son sillage.
- Je ne suis pas une Dame, gamine.
- Excusez moi si je me suis trompée dans votre titre, votre Seigneurie.
- Viens, gamine, je vais te montrer un endroit ou tu pourras rester.


Je la suivis dans les tours de Meridian. Je tentais bien de lui expliquer que je voulais juste me reposer, trouver un travail pour m'acheter des vêtements, mais elle repoussa mes arguments.

- Tu es une élue. Profites d'eux avant qu'ils ne se réveillent. Trouves toi un ou deux amants pour t'entretenir...

Elle me guida jusque dans une bibliothèque.

- Tiens, tu peux rester ici, fais toi juste discrète gamine, et personne ne viendra te demander de comptes.

La Kelari me donna tout de même son nom en quittant la bibliothèque, au cas ou nos chemins se croisent à nouveau. Arkehyna... Je m'installais dans l'une des chambres prévues pour les étudiants, et réussis tant bien que mal à trouver de quoi me sustenter, ainsi qu'une bassine pour me débarbouiller. Je me laissais ensuite tomber sur le lit, mais le sommeil ne vint pas. En sus de tous les doutes qui m'assaillaient depuis mon arrivée, venait se greffer maintenant la vision froide et cynique de ma dernière rencontre. Et si tout cela était vain ? Que tout espoir était perdu ? Tous ces gens dans Meridian ne semblaient pas si touchés par la guerre, visiblement. Comme toujours, il y avait les nantis, et ceux dont le sang coulait. L'inconnue avait peut être raison... De quel côté avais-je envie de me trouver ?

15
Le bon vieux temps...

... était celui où, dans les bas quartiers de la ville et sur ses toits, j'officiais et remplissait mes contrats. En tant qu'assassin, je m'étais taillée une petite réputation, et le bouche à oreille faisant, je manquais maintenant rarement de travail. Et cela payait bien, j'en vivais plus que confortablement.

Bien sûr, au loin, la guerre faisait rage, mais ici, en sécurité derrière les murailles, avec les bourgeois, les aristocrates et autres nantis, je pouvais mener une vie tranquille.
Jusqu'à ce contrat qui n'en était pas un. Un travail simple en apparence, bien payé, peut être un peu trop. Je n'avais pas vu venir le coup. Bien sur, seule dans cette arrière boutique, encerclée par une demi douzaine de brutes, je n'avais pas trop le loisir de réfléchir aux erreurs que j'avais pu commettre. Et au final je mourrais sans même savoir qui j'avais pu offenser, quelle transaction j'avais pu gêner, ni qui avait payé pour me supprimer.

Mon âme fut arrachée à l'oubli. J'ouvris les yeux dans un lieu étrange, entourée de machines. Que se passait il ? Où étais-je ? Une foule de questions montait à mes lèvres, et je noyais la personne qui me faisait face d'un déluge ininterrompu de paroles. Oui, quelques dizaines d'années avait passé depuis ma mort, et pendant ce temps, le monde avait changé. La guerre.. la guerre avait été perdue, les dernières poches de résistance succombaient les unes après les autres, et les morts étaient rappelés à la vie pour combattre... pour une cause désespérée ?
Non. Il existait une porte de sortie, un aller simple vers l'espoir, un moyen de retourner dans le passé, dans une dernière tentative de sauver le monde... mon monde. Sans un regard en arrière vers ce futur mourant dans une longue agonie, je prenais la chance qui s'offrait à moi, et courrais à travers le passage temporel.

- Une élue !

Etre élue ? c'était donc ainsi que dans le passé ils voyaient les pauvres âmes arrachées à l'oubli pour venir renforcer leurs rangs, dans l'espoir d'éviter la déroute absolue et totale que j'avais entr'aperçue dans le futur ? Je titubais mes premiers pas dans ce monde, et lisais dans leur regard l'espoir d'un peuple entier. J'avais envie de leur hurler que je n'étais pas celle qu'ils croyait, que ce pouvoir qu'ils m'avaient donné dans le futur, je ne le maitrisais pas, je ne le comprenais pas, que ca semblait tellement trop pour mes seules épaules...
Quelque chose dans leur regard m'en dissuada. Plus qu'une épée de plus, ces gens la avaient besoin d'espoir, et cet espoir, c'était pour le moment tout ce que j'incarnais à leurs yeux. Je me sentais mal, comme prisonnière d'un mensonge trop lourd pour moi, mais j'essayais de ne pas céder à la panique, et de faire bonne figure.  

Je me mettais sans plus attendre en route vers Meridian, la capitale. Une multitude de questions auxquelles je n'avais aucune réponse satisfaisante me troublaient. Mais par dessus toutes, une seule revenait: pourquoi moi ?
Je découvrais un monde qui était le mien, mais un monde en guerre totale, un monde qui avait déjà bien changé. Une faille s'ouvrit près de moi, et j'eus un moment peur qu'elle mette un nouveau terme à mon histoire avant même de l'avoir recommencée. Je me battis avec rage. Avec désespoir. J'avais connu la mort, l'oubli, et malgré la peur panique que je ressentais, j'avais soif de vivre.

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