La taverne des vulriches > Récits - l'ombre des déchus

[Récit] Tome I - De bons présages

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Elanor:
"Noir le ciel, noires les âmes, noires les pensées. Ainsi en avait il été jusqu'à présent. Avant que je rencontre des Élus, des êtres comme moi qui avaient aussi connu le doute, mais s'étaient trouvé des raisons d'avancer. Je ne pouvais pas encore dire qu'il en allait de même pour moi, mais ce matin les pensées n'étaient plus aussi noires..."

Elanore descendit sur la grande place de Meridian, allant comme chaque matin aux nouvelles. Elle rencontra d'abord Arkehyna devant le porticulum, puis Messire Kyan parut peu après. Dire que la rencontre entre les deux Kelari promettait d'être tendue serait bien en dessous des craintes de la jeune Eth, tant les convictions de ces deux la s'opposaient sur tout. Un froid s'installa rapidement dans la discussion, mais l'opposition violente qu'Elanore craignait resta à l'état latent, et les nombreuses connaissances de ses compagnons Kelari qui s'arrêtaient pour les saluer renouvelait les sujets de conversations. Une Kelari nommée Nemesis salua Arkehyna, suivi par une Bahmi disant s'appeler Liseron, qui avait rencontré Kyan lors d'une soirée qu'elle décrivit comme bien arrosée. La conversation dériva vers les quelques Eths qu'avaient rencontrés Elanore, qu'elle jugeait moins extrêmes que les Kelari. Ce à quoi Kyan répondit que son peuple avait des convictions fortes. Puis Arkehyna prit congé, laissant Elanore seule avec Kyan. Il lui proposa alors de l'accompagner au combat, comme il le lui avait promis la veille, et peu après ils franchissaient le porticulum vers les champs de pierres.

(...)

Kyan s'était révélé être un maitre d'armes prévenant et attentif, prenant garde à la sécurité de la jeune Eth, et dédramatisant ses blessures après les échauffourées les plus tendues.
Elanore prenait plaisir à manier ses lames aux cotés du Kelari, qui la veille encore lui avait confié que vu son caractère il l'aurait plutôt pensé guérisseuse. Une fois la crypte nettoyée de ses morts vivants, ils avaient regagné l'auberge située aux pieds des chutes de granite, et une choppe d'hydromel à la main s'étaient accoudés à la rambarde, regardant les trombes d'eau tomber dans leur rugissement si caractéristique, et soulevant un voile de gouttelettes.


- Vous vous battez pas mal. Complimenta Kyan.
- Merci. Vous autres Kelari êtes des êtres.. spéciaux. Répondit Elanore.
- En bien ou en mal ?
- Dans le sens ou vous vous donnez un air froid, mais seuls ceux de votre peuple m'avez aidé depuis mon arrivée à Meridian.
- Nous sommes un peuple extrême, comme vous l'avez dit, et cela s'applique aussi en amitié.
- En tous cas je suis heureuse de vous avoir rencontrés, vous chassez mes doutes.

Ils continuèrent à deviser un moment, jusqu'à ce que l'aubergiste vienne leur proposer une chambre, et qu'ils rentrent prendre un repas avant la nuit, en compagnie d'autres voyageurs. Elanore voyait bien que parfois ses réactions gênaient le Kelari, sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi. C'était peut être mal vu chez eux d'avoir une élève Eth, compte tenu de l'atavisme entre leurs peuples. Pourtant, il était évident qu'au fond les Kelari appréciaient celle qu'ils appelaient tous affectueusement "gamine".

Elanor:
Epuisée par les combats de la veille, Elanore s'était réveillée tard dans la matinée. Quand elle était descendue dans la salle commune de l'auberge, le tavernier lui remit une lettre avec son déjeuner. Une lettre ? la jeune Eth fronça les sourcils. Elle ne voyait pas qui pouvait lui écrire, surtout ici. Elle parcourut la salle du regard. Ou était passé Messire Kyan ? Elle brisa le sceau, et déroula le parchemin. La signature était celle de Kyan, l'écriture forte et affirmée, à l'image du Kelari. Il disait en substance être parti au petit matin, mais espérait qu'ils deviennent amis et que l'atavisme entre leurs races ne serait pas un fossé creusé entre eux. Elanore sourit. C'était bon de ne plus se sentir seule, d'appartenir à une... communauté. Elle profita de la journée pour s'offrir une pause, rentrer à Meridian, s'acheter quelques vêtements, et rendre visite à Arkehyna...

(...)



Cela faisait quelques jours maintenant qu'Elanore avait pris sa chambre à l'auberge des Chutes de Granite. Elle appréciait le grondement de l'eau tombant en cascade au loin, et surtout cela tranchait avec le bourdonnement incessant de Meridian. Ses journées se ressemblaient toujours toutes, mais les doutes qu'elle avait pu nourrir la laissaient enfin en paix, et elle prenait simplement plaisir à vivre. Un matin vint où elle trouva Kyan dans la salle commune. Elanore sourit et s'installa en face du Kelari, partageant son déjeuner avec lui.

- J'ai rencontré votre amie. entama Kyan.
- Qui ca ? demanda Elanore, étonnée.
- Arkehyna. D'ailleurs nous nous sommes disputés.

Etant donné leurs divergences de point de vue marqués, la "dispute" était le moins que l'on pouvait s'attendre entre eux, pensa l'Eth. Ne sachant trop que répondre à cela, elle resta coise, attendant que Kyan reprenne l'initiative de la discussion.

- Nous nous sommes disputés à ton sujet. finit-il par préciser.
- A cause de moi ?
- Oui. Elle pense que je cherche à t'imposer une façon de vivre, alors qu'elle préfère te laisser libre de tes choix.
- Je ne me pose plus vraiment ce genre de questions, je vis au jour le jour maintenant. répondit doucement la jeune Eth.
- Je n'ai pas envie que tu reprennes ton ancienne vie, que tu tues des innocents.
- Mon ancienne vie est derrière moi. La nouvelle...

Elanore laissa sa phrase en suspens. Elle n'avait pas réfléchit à cela, et pas envie de le faire pour le moment.

Elle proposa alors de sortir, afin de détourner la conversation. Au revoir champs de pierre, bienvenue aux gorges écarlates... A la pluie avait succédé la poussière sèche et ocre. Elanore et Kyan descendaient le chemin muletier, toujours plus bas vers le fond des gorges. Ils arrivèrent à un village de mineurs. L'humeur de Kyan s'était peu à peu assombrie, le Kelari était devenu silencieux, puis franchement maussade. Il s'assit à l'ombre d'une cabane de mineur, trainant dans son sillage une Elanore inquiète. Kyan lui avoua que la mer lui manquait. Elle lui proposa alors de prendre la direction de Libremarche, glissant malicieusement qu'il lui devait toujours cette promesse de l'emmener dormir à la belle étoile...

Elanor:
Elle s'éveilla aux lueurs de l'aube, alors que le soleil pointait sa première lueur au dessus de l'étendue de l'océan. Une couverture était posée sur ses épaules, pour atténuer l'air frais du petit matin. Elanore s'assit et regarda autour d'elle. Elle était seule, sur l'étendue d'herbe qui menait à la plage. Un papier dépassait de sous la cape roulée en boule qui lui avait servi d'oreiller. Kyan avait du partir avant l'aube... Elle s'étira, et ramena les mèches folles de ses cheveux qui lui tombaient devant les yeux dans sa coiffure. Attrapant dans son sac quelques fruits secs, elle prit le temps de déjeuner frugalement en regardant le soleil se lever. Elle força ses épaules à se dénouer. Le sol était dur. Dur et froid. Les moustiques étaient pénibles, et le soleil se levait trop tôt. Non, elle n'était définitivement pas du matin.

Les brumes du matin se déchiraient sous l’effet des premiers rayons du soleil, et en face d’elle apparut une côte basse et marécageuse. Les bois d’argent. C’était donc la bas que l’alliance des Gardiens se regroupait. Si près et à la fois si inaccessible. Presque à regret, elle remit son baluchon sur son épaule et prit le chemin du retour. Une longue marche l’attendait.

(...)

Elanore avait retrouvé Kyan à l’auberge des chutes de granite. A croire que le lieu devenait une sorte de point de rendez vous. Avec un petit groupe d’aventuriers, ils avaient tenté de descendre dans les mines de Couprofond. C’est couverts de poussière et de blessures qu’ils émergèrent de la mine, après plusieurs heures de combats. Les bandages en vente à l’auberge n’y suffiraient pas, un peu de repos serait nécessaire pour se remettre de ces émotions et c’est la direction de Meridian qu’ils choisirent donc.

En traversant la grand place, Kyan s’arrêta pour saluer une jeune femme, Dame Syrielle. Quand cette dernière lui répondit que malgré les inquiétudes du Kelari elle était rentrée saine et sauve, l’Eth ne put réprimer un sourire. Messire Kyan, sous ses airs durs cachait finalement bien mal un naturel protecteur et attentionné. Les présentations faites, la conversation fut cependant de courte durée, l’appel du repos se faisant pressant autant pour Elanore que pour le Kelari. Un quiproquo qui poussa Dame Syrielle à leur demander s’ils étaient “ensemble”.

Kyan et Elanore échangèrent un regard gêné, cette dernière rougissant avant de balbutier qu’elle n’était que l’élève du maître d’armes. Kyan confirma, mais l’Eth avait de plus en plus l’impression de ne pas être à sa place, de causer du trouble, et rapidement, elle prit congé afin de regagner sa chambre.

Elanor:
Vous ne pouviez pas clamer haut et fort avoir un passé de voleuse et l'assumer sans un jour le voir ressurgir derrière vous. En l’occurrence, c'est sous la forme d'une invitation mystérieuse à une soirée sur l'ile de Verivage que ce passé se manifesta. Elanore contacta Arkehyna, pour s'apercevoir que la Kelari avait elle aussi reçu la même lettre mystérieuse. Elle embarquèrent donc dans une barque pour la traversée, et se retrouvèrent bientôt sur l'île, ou un mystérieux guide les amena dans une maisonnette au pied d'une tour. Il leur parla d'un ordre secret. Il vanta les mérites d'une autre façon de combattre, moins directe, plus souterraine. Il leur demanda si elles étaient intéressées à l'idée de les rejoindre... Et en échange, tout ce qu'il réclama, ce fut leur silence. Une fois le marché passé, il les mena à la tour rencontrer leurs nouveaux compagnons d'armes...

(...)

Elanore avait décidé de quitter quelques temps Méridian, et d'aller dans les hauteurs enneigées pour quelques jours. Les grandes étendues glacées jouissaient d'un silence seulement troublé par le sifflement du vent. Un endroit parfait pour y faire retraite, pour y réfléchir. Avait elle replongé dans son passé en acceptant ce travail ? Pour autant, tuer sur un champs de bataille où le faire dans un palais, où était la différence ? Non. La véritable question, c'était, avait-elle trahi l'espoir placé en elle ? Sans doute que non, et puis, elle était maintenant assez grande pour décider elle même de la voie qu'elle voulait emprunter.

C'est en redescendant vers le village des chutes blanches que la glace rompit sous ses pieds et que son avenir bascula...

Fin du tome I

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