[Récit] Lidael & Luun - Tome V - Wake Up

[Luun]

Ce n'était pas un être humain qu'Azurielle découvrit avec Icye quand elles rentrèrent au manoir pour se rendre au chevet de Luun. C'était un animal, à peine couvert d'un pantalon de toile, accroupi sur la table, la bouche pleine de nourriture, grondant et attaquant à vue tout être humain.

Quand Azurielle avait tenté de l'approcher, elle n'avait récolté que des griffures, et Icye était apeurée par le sauvage qu'elle voyait. Si Luun était revenu du royaume des morts, il y avait visiblement laissé la raison. Quand le Feir'Dal ne s'en prenait pas aux jeunes femmes, il fuyait de pièce en pièce, fracassant les précieux bibelots accumulés au fil du temps par Azurielle. Le seul mot intelligible qu'il prononçait parfois, répété en longue litanie, était celui qu'il avait inscrit des centaines de fois en lettres de sang sur le mur. Rage.

Azurielle dut se résoudre à l'immobiliser, d'abord avec un sort de chaines, puis grâce à l'invocation tellurique d'Icye. Même ainsi Luun continuait à se débattre vainement, mordant dans la glaise de l'invocation, et recrachant ensuite en s'étouffant ce qu'il parvenait à arracher. Finalement, il s'intéressa au gâteau qu'Azurielle fit glisser vers lui, et finit par s'endormir sous le coup du sédatif glissé dedans.

oOo

Isilme était venue dès qu'elle avait pris connaissance du message d'Azurielle: Luun s'était réveillé. Pour le moment, il était endormi dans les bras d'un golem de terre, et Azurielle la mit en garde car il était dans un état agressif selon elle, mais elle saurait s'en occuper. De son coté, elle informa la Koada'Dal que son antidote était en cours de distillation, et qu'elle le lui apporterait personnellement dès qu'il serait prêt. Puis elle lança le sort qui les ramènerait directement dans sa demeure. Luun était enfin de retour chez lui.

Isilme le déposa sur le lit. Il allait encore lui falloir du repos visiblement, mais il s'agitait déjà dans son sommeil, et c'était bon signe. Tirant une chaise, elle s'installa près du lit, attendant son réveil...

[Luun]

Isilme se posait de nombreuses questions qui restaient sans réponse, des questions auxquelles elle ferait mieux d'avoir les réponses au moment où Luun serait en état de les poser.  Elle avait fini par envoyer une lettre à Gypsae afin de les obtenir. Finalement, les deux elfes s'étaient croisées sur la porte du hall des Ombres. Gypsae avait eu un commentaire approbateur sur sa tenue plus en accord avec son statut de Freeportienne que les robes qu'Isilme avait affectionné récemment, puis elles étaient descendues vérifier l'état d'avancement de l'antidote destiné à Azurielle. Les fleurs de Haine avaient eu le temps de macérer, l'antidote serait bientôt prêt. Les informations qui s'échangèrent dans les profondeurs de l'antre des Ombres auraient fait la richesse de n'importe quel informateur, mais ce n'était pas l'intérêt des Ombres ce jour là. Quand Isilme repassa le seuil du hall, son sac comme son cÅ“ur était plus léger.

oOo

Azurielle avait fini par se manifester à travers l'anneau qui avait été un temps le signe de rapprochement des Gardiens et des Ombres. Une époque révolue. Isilme prit le chemin d'Antonica pour lui apporter son antidote. La Koada'Dal avait respecté les termes de leur marché en s'impliquant activement au sauvetage de Luun, les Ombres respecteraient leur parole.
Isilme trouva Azurielle à la tour de l'Oracle en Antonica... en compagnie du méprisable érudit auquel Isilme avait déjà eu affaire, et de Joli Cœur avec son amie.
Les Gardiens avaient peu de temps, ils semblaient sur une piste, et Azurielle, malgré les récriminations de l'érudit grincheux, l'invita à se joindre à leur troupe. Isilme ne comprenait pas tout, mais elle remettait tant bien que mal les pièces du puzzle que lui livraient les Gardiens par bribe en place.

Grâce aux dessins détenus par un certain Dohda, les Gardiens avaient cherché à invoquer les messagères... Et contre toute attente, une messagère s'est manifestée, mais à l'arrivée des Gardiens au pied de la tour du phare de Qeynos, elle avait été retrouvée gisant dans son sang. Une autre jeune personne était aussi présente. Isilme en avait eu le souffle coupé, mais elle se présenta sous le nom de Sillee, qui sur l'ordre de Méléagan était aussi à la poursuite des messagères dans le but avoué de les tuer... avant de diriger sa colère sur les Gardiens.
Une âpre négociation s'ensuivit. Sillee voulait le corps de la Messagère, les Gardiens voulaient l'interroger, et finalement la femme  fut ressuscitée par Ayerown et Nyriale. Ils convinrent que Sillee et Ayerown emmèneraient la messagère en lieu sûr, laissant en plan le reste des Gardiens.


Silencieuse, Isilme avait assisté à l'échange, subissant une fois de plus les insinuations de l'érudit. Mais cela n'était pas grave, les informations qu'elle avait entendues valaient largement cela. Quand elle rentra chez elle, elle prit le temps de coucher tout ceci sur papier. Le coursier pour Neriak partit peu après... Isilme soupira, puis se dirigea vers son jardin. Il lui restait une chose a faire avant de se reposer. Elle espérait juste que contrairement à la veille, elle saurait contenir ses larmes...

[Lidael]

Le choc

L'esprit de la louve qui accompagnait l'Elfe-des-Bois depuis sa plus tendre enfance, l'avait alertée à propos d'une situation étrange et qui touchait à un de ses amis, Luun.

Il n'était pas rare que Poledra - que l'on nommait "Celle qui observe" dans une autre vie - informe Lidael sur des événements passés, présents ou à venir. La louve était son lien avec les anciens, avec les esprits de tout ce qui, un jour, avait été vivant sur Norrath. Aussi Lidael était-elle en permanence très bien informée des événements qui se déroulaient dans son monde... et parfois ailleurs. Le seul inconvénient était que Poledra ne lui communiquait que les informations qui lui semblaient importantes, et autant dire qu'une Elfe et une louve ne portent pas toujours leur attention sur les mêmes sujets...

Le plus souvent Poledra et Lidael communiquaient par télépathie, parfois l'Elfe prenait l'apparence d'un loup pour lui parler, quoiqu'il en soit c'était toujours dans le langage des loups qu'elles échangeaient.

- "Ceci est remarquable..." dit Poledra apparaissant soudain aux côtés de Lidael en plein ouvrage.
- "Qu'il y a-t-il de remarquable à préparer une tourte au miam-miam ?" dit l'Elfe en s'essuyant les mains sur son tablier.
- "Il est mort."
- "Qui est mort ?"
- "L'Elfe à l'esprit de loup."
- "L'Elfe à l'esprit de loup ? Tu n'aurais pas un nom plus parlant ?"
- "Quelle importance a un nom d'Elfe pour un loup ?"
- "Allons, je n'ai pas envie de jouer aux devinettes, j'ai encore beaucoup à faire si je veux que les Confrères ne meurent pas de faim."
- "Vous l'appelez Luun."

Sous le choc Lidael laissa tomber la tarte brûlante qu'elle venait de sortir du four, tapissant ainsi le sol du hall de la guilde. Portant ses mains devant sa bouche elle retint un cri d'effroi. Les yeux écarquillés, des larmes naissantes au bout des cils, l'air effarée, elle regardait Poledra.

- "L'Elfe à l'esprit de loup est mort puis est revenu à la vie, ceci est remarquable."

Abasourdie, Lidael prenait la mesure de ce qu'elle venait d'apprendre.

- "Co... Comment va-t-il ?"
- "Il bave."

Sans plus attendre Lidael saisit un parchemin et une plume pour adresser un mot à Isilme, la jeune sœur de Luun. Isilme pourrait lui donner des renseignements sur l'état de son ami. Lidael pourrait surement se rendre utile, depuis qu'elle s'était engagée aux côtés de Rodcet Nife et qu'elle était devenue sa première disciple, son pouvoir de guérison s'était infiniment étendu.

Oui, elle pourrait sans aucun doute être utile à son "presque-frère".

[Lidael]

Inquiétude

Ils seraient bientôt là.

Isilme n'avait pas tardé à répondre. Dans sa lettre elle évoquait l'état de Luun, son aîné. Elle disait qu'il allait un peu mieux, mais décrivait aussi un Luun comme... enragé.

Enragé.

Lidael lu et relu la lettre, et plus elle la lisait, et moins elle la croyait.

oOo

Il fallait préparer son arrivée. Lidael fit le tour du dispensaire, elle l'avait ouvert peu après sa rencontre avec Rodcet Nife, le dieu guérisseur.

Situé au sud de Qeynos, non loin des écuries royales, la structure est de petite taille.
Un jardinet où poussent de jeunes plants venus du Faydwer constitue le coeur du dispensaire, un havre de calme et de paix. En bas, une vaste pièce meublée de banquettes confortables, de larges bibliothèques et d'une salle à manger est la pièce à vivre du dispensaire. En haut, le dortoir, quelques box préservent l'intimité des patients. C'est là que l'Elfe leur administre les meilleurs soins.
Enfin, une pièce, peu visible de visiteurs, sert de laboratoire. C'est là, que des potions miraculeuses, dont les recettes ont été transmises par le dieu en personne à Lidael, sont préparées.

Le dispensaire n'accueille pour l'heure qu'une seule patiente. Luun y sera tranquille. pensa-t-elle en aménageant un espace pour accueillir l'Elfe sylvestre.

L'état de son ami était une véritable source d'inquiétude. Afin de mettre toutes les chances de son côté, et pour assurer à Luun les meilleurs soins possibles, elle adressa un mot a un de ses éminents confrères.

Ceci fait, Lidael alla voir sa jeune patiente pour son soin quotidien.

[Luun]

Isilme rentrait de son court voyage à Qeynos. En deux semaines, Luun avait partiellement récupéré. Assez en tout cas pour avoir un minimum de pensées cohérentes, et pour poursuivre sa convalescence dans un endroit calme... et surtout où personne ne penserait à le chercher. Ce dernier point avait posé un vrai problème à la jeune Feir'dal: pouvoir assurer la sécurité de son ainé malgré lui.  En cela, la proposition impromptue de Lidael avait vraiment été une bénédiction. En plus d'être une amie fidèle et de longue date de sa famille, les connaissances thérapeutiques de Lidael étaient sans commune mesure avec les siennes. Chacune sa spécialité, même si toutes deux servaient une déité qui ne voulait que le bien des habitants de Norrath.

Isilme passa rapidement chez elle. Pas de courrier aujourd'hui, et personne n'était venu. Parfait. Elle se changea rapidement, puis prit le chemin du hall des Ombres, tout proche de chez elle. Se laissant tomber dans la pile de coussin du lounge, elle attrapa un ouvrage pour passer le temps. Il lui restait une question. Elle ne savait pas quand elle verrait celle à qui elle voulait la poser, mais elle pouvait se permettre d'être patiente. Le temps travaillait pour elle...

[Lidael]

Retrouvailles

Il était arrivé en bien meilleure forme qu'elle ne l'avait imaginé. À première vue, Luun était complètement lucide, un peu amaigri certes, mais au premier coup d'œil c'est bien son ami de toujours que Lidael retrouvait.
Une chose attira son attention cependant, il portait une étrange et sinistre robe rouge et noire, arborant en guise de motif décoratif, des têtes de mort. D'aussi loin qu'elle se souvienne, les goûts vestimentaires de Luun n'étaient pas si morbides.

Il était déjà tard quand Luun avait frappé à la porte du dispensaire.
Les retrouvailles avaient été très chaleureuses, Luun semblait véritablement content d'arriver enfin.
Cela faisait des mois qu'ils ne s'étaient pas vus, ils avaient tant de choses à se raconter que la nuit n'y suffirait pas. C'est tout naturellement dans le jardin, sous l'immense chêne plusieurs fois centenaire, que les deux Elfes-des-Bois s'installèrent pour bavarder. La nuit descendait doucement sur Qeynos et une brise légère faisait courber les herbes folles du jardin.

Luun lui raconta Lisèle, sa disparition, son sacrifice, son amour pour elle.

C'est alors qu'il lui contait les raisons de sa mort et sa tentative désespérée pour retrouver son aimée, que Luun eut une sorte d'absence et fut prit d'une rage soudaine. Non sans mal il revint à lui. C'est à ce moment seulement que Lidael mesura toute la souffrance de son ami et eut conscience que sa convalescence serait longue... Désarmée, Lidael prit son ami dans ses bras, la chaleur "humaine", c'était ce qu'il y avait de mieux dans ces cas-là, pensait-elle.

Pour le soulager, Lidael offrit à Luun un petit sachet d'herbes sèches connues pour leur vertu apaisante. C'était des herbes rares, inconnues, ou presque sur Norrath car elles venaient de Prime, le monde d'origine du Premier Guérisseur.

Tout naturellement ils en vinrent à parler théologie. À la grande surprise de Lidael, Luun sembla fort intéressé par celui qu'elle suivait et dont elle avait l'honneur d'être la disciple. Qui sait, Rodcet Nife pourrait peut-être contribuer à soulager Luun.

L'heure avançant dans la nuit, elle proposa à Luun de prendre ses quartiers. Ils montèrent dans la chambre commune où trois lits étaient installés. L'un était vide, un autre était pour Luun, enfin, au fond dans l'ombre de la pièce, un lit était occupé. On ne distinguait que la silhouette recroquevillée de la patiente de Lidael, Elefore.

Une fois n'est pas coutume, Lidael s'était aménagé dans une mezzanine une petite chambre. Oui, elle séjournerait là tout le temps où son ami aurait besoin d'elle.

[Luun]

Luun s'éveilla. La pièce était silencieuse, seulement troublée par le chant des oiseaux provenant du jardin de Lidael. la lumière, tamisée par les rideaux, dessinait des arabesques sur le sol, et une douce fragrance envahissait la pièce par les fenêtres entrebâillées.

Luun sourit en repensant à la journée précédente. Bientôt une semaine qu'il était chez Lidael et il allait visiblement mieux. il n'avait plus ces absences, ces trous de mémoire dans ses journées. Hier la jeune Feir'dal l'avait même autorisé à sortir en sa compagnie. Ils avaient parcouru les forêts d'Antonica ensemble, et... oui elle l'avait fait rire. Cela ne lui était plus arrivé d'être simplement heureux depuis.. Quand ? Le procès... Plus de 7 mois déjà. La dernière fois qu'il l'avait vue. Et les derniers mots de Lisèle, gravés dans sa mémoire: "C'est la première fois que je te quitte sans que ce soit de ma propre volonté". Cela avait été la dernière fois aussi...

Ensuite il avait emmené sa presque-sœur visiter sa maison à Kelethin. C'était étrange de revenir ici après tout ce temps, car ici, tout était comme si rien n'avait changé. Luun resta un moment à fixer le placard où devaient encore être rangées les affaires de Lisèle. Lidael avait raison: quelle que soit la culpabilité qu'il éprouvait, rien de cela ne la ramènerait. Il devait commencer à en faire son deuil... Il se demanda s'il devait enlever les vêtements du placard... Plus tard.. C'était encore un peu tôt.

Puis les deux Feir'dal rentrèrent sur Qeynos. Traversant le quartier nord, ils passèrent devant le hall des Gardiens du Serment. Nul doute que depuis le temps, ils avaient dû reprendre leur route de leur coté. Luun suivit Lidael dans le Hall des Confrères. En pleins travaux de rénovation, il semblait prometteur. Lidael souhaitait lui présenter une amie druide elle aussi, une certaine Dorina. Luun eut du mal à ne pas rire: il avait en face de lui l'exacte image de Gypsae, à la coiffure près... portant une couronne de petites fleurs oranges du plus bel effet. La Teir'dal était d'une curiosité déconcertante, et ne se gênait pas pour juger sans savoir. Mais peu importait après tout...

Sautant du lit, Luun s'habilla rapidement. Lidael lui avait proposé une partie de chasse aujourd'hui. Une autre façon de renouer ce contact avec la Nature qu'il avait par trop négligé au cours de l'année écoulée, une autre façon de tourner la page...

[Lidael]

Très tôt ce matin là, Luun et Lidael partirent pour une journée de chasse dans les vastes plaines d'Antonica.
L'un en ours, l'autre en loup, traquaient sans relâche lapins et lièvres. Ce fut un  véritable festin.
Puis ils galopèrent à en perdre haleine. Ils allaient vite, très vite, après tout l'esprit du Loup était en eux.

En fin de journée, ils s'installèrent au bord de l'eau, non loin de l'arbre du Guérisseur, un endroit particulièrement affectionné par la mystique. Elle y avait déjà conduit Luun la veille, elle semblait attendre quelqu'un... qui ne venait toujours pas.
Ils s'étaient assis dans l'herbe, la vaste étendue de la mer du Vent Froid s'étalait devant leurs yeux.

Lidael, pensait et repensait à sa conversation avec Gypsae. Elle prit une grande inspiration comme pour se donner un peu de courage et dit :

- Luun il faut que je te dise quelque chose.

D'un geste elle interrompit Luun qui s'apprêtait à lui parler. Elle regarda son ami, serra une main dans la sienne.

- Tu vas recevoir une visite, au dispensaire. Je l'ai autorisée. Gypsae doit te parler, elle a des informations pour toi, c'est important. J'aurai aimé que cela soit plus tard, lorsque tu serais en meilleure forme, quoique ces derniers jours t'aient été vraiment profitables, mais elle ne me laisse guère le choix. Quoiqu'il arrive tu sais que tu peux compter sur moi.

Luun soupira et baissa la tête.

- Alors c'est fini, elle vient m'annoncer qu'elle a  du retrouver le corps...

Des larmes coulèrent le long de ses joues et s'écrasèrent parmi les herbes...
Lidael soupira encore, les mots de Gyspae résonnaient encore dans sa tête. La seule chose qu'elle pouvait faire c'est être là et consoler son ami.

- Lisèle n'est plus, apprivoises la douleur elle sera ta compagne un moment. Mais je t'assures, au fond, on s'y fait avec le temps. En attendant pleure si ça peux te libérer...

Luun se laissa aller a pleurer dans les bras de son amie, libérant le chagrin qui le rongeait depuis si longtemps.

[Luun]

Luun se trouvait dans le jardin de Lidael quand un léger coup fut frappé à la porte. Gypsae. Accompagnée d'une fille du Clan. La Teir'dal faisait rarement le déplacement à Qeynos gratuitement. Sans doute une sorte de formation. Comment s'appelait-elle déjà ? Lilaen ? Il l'avait saluée, puis immédiatement écartée de ses pensées.

Ils s'installèrent dans le jardin. Luun savait qu'elle venait pour quelque chose d'important, et pour lui cela ne pouvait avoir qu'une seule signification: elle avait du retrouver le corps.
Oui, Lisèle était morte mais à sa surprise, Gypsae déclara qu'il n'y avait pas de corps, qu'il n'y en aurait jamais. La jeune fille qui l'accompagnait retira alors son heaume... et Luun demeura interdit. Un clone ou... était-ce elle ? Mais Gypsae venait de lui annoncer sa mort.

La jeune femme prit la parole. Lisèle était morte, cela avait été un être faible. Elle était Lilaen, rien d'autre. Luun se prit la tête à deux mains, ce qui sembla amuser Lilaen. Par la grâce de Tunare, Lidael n'avait pas ménagé ses efforts et l'y avait préparé. Pas à ceci, mais Luun put passer au dessus de la douleur qu'il ressentait.

Lilaen ne se souvenait plus de son passé, et tout ce qui lui importait, c'était de se débarrasser des voix des personnes décédées qu'elle entendait. Luun voulait surtout comprendre. Gypsae tournait tellement autour du pot sans lui donner de réponse qu'il commençait à s'énerver. Il l'avait considérée comme une alliée, même une amie. Quelle était sa part dans tout ceci ? Suivait-elle seulement ses noirs desseins sans considération aucune pour les autres ?

Il eut finalement une bribe de réponse et de guerre lasse, balança les informations que Lilaen souhaitait. Puis elle partit. Même si elle s'était excusée de l'avoir repoussé sans ménagement pendant son expérience dans l'au-delà, elle l'avait aussi mis dans une humeur massacrante. Il fixa Gypsae.

La Teir'dal raconta son histoire, revenant souvent sur des détails, essayant de résumer plusieurs mois au mieux. Lui expliquant avoir retrouvé une sauvageonne sans aucune mémoire, et que rien ne rendrait à sa vie antérieure. Quand elle eut finit, elle se tut et attendit.
Luun fixait l'eau dans le bassin. Il fut forcé de reconnaitre que c'était brillant. Il ne lui cacha pas non plus qu'il lui en voulait. Lui reprocha d'avoir manqué par deux fois de l'avertir, avec les conséquences qu'ils savaient. Il finit par lui demander s'il devait la considérer comme une dinde idiote ou une traitresse à ses alliances.
Gypsae blêmit sous la force de cette dernière accusation. Luun l'avait lancée en sachant qu'elle serait blessante, mais il voulait savoir si Gypsae était sincère. Que la Teir'dal accepte de subir sa colère était un signe. Ils arrêtèrent de se chamailler. Elle le traita bien une fois de cuillère à pot, mais l'orage était passé.

Pourquoi n'avait elle pas raconté son histoire tout de go ? Que cachait elle à son.. élève ? Rien d'après elle. Donc sans doute une certaine façon de raconter les choses. Ils reprirent encore une fois les détails ensemble. C'était toujours assez surprenant pour Luun de découvrir les interrogations de Gypsae, dans les rares moments où celle-ci tombait le masque. C'était toujours surprenant de sentir que le jugement des autres lui importait.

Lidael rentra alors que Gypsae prenait congé. Ce n'est que lorsqu'elle eut passé la porte que Luun put se laisser aller au chagrin qui avait menacé de le submerger toute la soirée. Dans cette épreuve, il n'était pas seul, car il avait a ses cotés quelqu'un qui le comprenait..

[Lidael]

Solidaire

Il y a des jours, où rien ne va comme on veut, où il est impossible de se concentrer sur les tâches à accomplir. C'était une journée comme celle-ci qui venait de s'écouler pour Lidael.

Ses obligations envers la Confrérie, la lutte contre le Néant qui s'opérait depuis des mois et des mois, ses amis qu'elle ne voulait pas délaisser trop longtemps. Tout cela avait pesé dans la balance lorsqu'elle avait décidé de ne pas assister à la rencontre entre Gypsae et Luun - sans compter que la Teir'Dal n'avait pas franchement manifesté l'envie de la voir présente. La Feir'Dal devait partager son temps entre tous, mais son cÅ“ur était avec Luun. Il aurait besoin d'elle ce soir, elle le savait et elle serait là.  

Il se faisait déjà tard lorsque finalement elle rentra au dispensaire. La salle commune était d'un calme sinistre. On entendait juste le murmure de voix en provenance du jardin. Gypsae était là, face à Luun. Une discussion qui avait du être longue s'achevait. Lidael ne se sentait pas à son aise. C'est à peine si elle dit quelques mots, rien de plus que les politesses habituelles. Elle s'enquit de Luun, il répondit que ça allait tout en lui prenant la main qu'il serra. Non, ça n'allait pas et elle le savait.

D'aussi loin qu'elle se souvienne, ils s'étaient toujours compris sans avoir à se parler. Bien que la vie les ait éloignés un temps, les liens qui les unissaient n'avaient jamais été aussi forts qu'en ces temps troublés pour son ami, son frère.

La Teir'Dal finit par repartir. Le malaise de Lidael persistait. Luun savait et il était anéanti. Les mots ce soir là n'avaient pas d'importance, ils ne seraient pas assez forts pour consoler l'Elfe. Lidael prit son ami sans ses bras. Enlacés à l'ombre du chêne, Lidael berçait Luun qui pleurait en silence.

[Luun]

Luun ouvrit difficilement les yeux. Le peu de lumière qui filtrait à travers la fenêtre était une torture qui lui meurtrissait le cerveau. Ou était-il ? La chambre était petite et pas franchement propre, principalement occupée par un lit dont le matelas avait connu des jours meilleurs. Ses vêtements étaient en tas dans un coin et... Il dut refermer les yeux un instant.

Il s'assit sur le bord du lit. La nausée lui vrilla le crâne. Il tenait une méchante gueule de bois, même sans le tas de bouteilles vides balancées dans un coin pour en attester. Il se passa la main dans les cheveux. Ah oui, une auberge de Port Franc. Il avait faim.. et soif. Ouvrant la porte de la piaule, il brailla un coup pour qu'on lui monte à bouffer et de l'alcool...

D'où lui venait cette sensation d'avoir fait une énorme, énorme bêtise ? Il se remémora les évènements qui avaient conduit à cette chambre, la facilité naturelle avec laquelle tout c'était enchainé, implacablement. Son regard parcourut la pièce... sa compagne s'était éclipsée. Le seul témoignage restant de leurs ébats était ces quelques cheveux d'or sur l'oreiller...

[Luun]

Texte commun de Lidael et Luun, Images par Lidael

Les ouvriers venaient de partir et Lidael finissait d'inspecter les travaux d'agrandissement quand Luun entra dans la pièce. Luun sentait bien qu'il avait fait une erreur, et Lidael avait beau lui assurer qu'elle ne lui en voulait pas, il n'en était pas moins penaud.

Il faisait trop frais pour rester dehors ce soir là, aussi, les deux amis s'installèrent sur le tapis devant la cheminée pour parler un peu. C'était devenu leur lot quotidien, parler, ils en oubliaient toute notion du temps. Au fur et à mesure de leur discussion la Feir'Dal comprenait mieux le contexte et l'histoire qui avait conduit Luun à mourir pour sauver sa bien-aimée. Il lui raconta tout le reste aussi, l'emprunt des documents confidentiels des Gardiens du Serment, ses interrogations sur la réaction d'Azurielle et ses craintes de revoir Lilaen, de devoir gérer son chagrin avec sous les yeux le reflet de son amour à jamais perdu. Quitte à être dure, Lidael ne dérogeait pas :

- "Elle est morte, il faut que tu fasses ton deuil. Oublies là."

Techniquement parlant Lisèle n'était pas morte, mais c'était tout comme.

Finalement, il se décidèrent à aller voir Azurielle, au siège des Gardiens du Serment. Si Lidael pensait Luun anéanti, Azurielle n'en menait pas large également.

Elle a une mine affreuse, se dit Lidael qui remarquait aussi que chacun portait de sinistres tenues de couleur noir et orange.

Si tous deux avaient été accablés, il faisait nul doute que Luun avait reprit du poil de la bête et prenait son destin à bras le corps, alors qu'Azurielle s'enfermait dans une tristesse infinie.

La Koada'Dal accueillit les deux Feir'Dal aussi chaleureusement que possible. Luun sembla s'en étonner. Ils entrèrent et allèrent s'installer à l'étage avec la maitresse des lieux. Assis dans de confortables coussins, Azurielle leur faisait part de sa foi en l'amour qui les avaient liés autrefois. Pour elle il était tout simplement impossible que cela soit balayé du simple fait que Lisèle ait "un peu" changé. Elle n'avait pas compris la profondeur des changements, pas accepté que la mémoire de sa fille adoptive soit définitivement perdue. Elle continuait d'espérer. C'était à la fois touchant et pathétique. Alors que Luun essayait de faire comprendre à Azurielle que la Demi-Elfe qu'ils avaient tous connu était bel et bien morte, les gardes annoncèrent une visite.

Lilaen fit son entrée dans le hall. Luun était tendu, Azurielle éplorée et Lidael observait avec intérêt la scène qui se déroulait sous ses yeux. La familiarité avec laquelle Lilaen l'aborda lui déplut immédiatement. Elles échangèrent quelques mots à peine mais cela suffit à comprendre que les deux femmes ne s'appréciaient guère. Lidael était pressée de s'en aller, mais Luun ne pouvait s'empêcher de railler Lilaen.
L'Ayr'Dal était tellement sure d'elle, de ses certitudes, tellement persuadée de jouir de l'infinie liberté promise par Gypsae qu'elle parlait à tort et à travers. Parlait-elle en son nom, ou en celui du Clan qu'elle avait rejoint ? La question se posait une fois encore, mais il ne servait à rien d'argumenter avec Lilaen. Pas quand il suffisait de poser la question à la bonne personne... Lidael avait raison, les deux Feir'Dal n'avaient rien à gagner à rester et ils prirent donc congé.

C'était à peine s'ils avaient remarqué l'arrivée d'Ayerown et Nyriale, les deux paladins qui venaient de se joindre à la discussion. Azurielle avait un air si désolé, que la Feir'Dal lui proposa avant de partir de passer au dispensaire si le besoin de parler s'en faisait sentir. Lilaen ne put se retenir de se moquer de Lidael, mais ses paroles qui se voulaient vexantes ne trouvèrent pas prise sur cette dernière qui répondit par un sourire amusé.

Une fois au dispensaire, Luun prit le temps d'adresser une lettre à Gypsae. Elle comptait à peine dix mots, mais la Teir'dal savait lire entre les lignes et y verrait très certainement les multiples sens cachés sous les mots anodins. Comment Gypsae, dont il connaissait les compétences et le goût pour l'intrigue, pouvait s'enorgueillir d'avoir éduqué et accueilli dans son Clan Lilaen ? Des gobelins lui auraient inculqué plus de sens diplomatique, même un cours avec Nobla aurait été un mieux. S'il avait été contraint d'admettre que l'idée de base était brillante, la réalisation était décevante et le résultat d'une médiocrité qu'il n'aurait jamais pensé devoir associer à la Teir'dal.

Puis, les deux elfes regagnèrent leur chambre. Demain serait un autre jour...

[Luun]

Les jours avaient succédé aux jours, puis s'étaient transformés en semaines, et les semaines avaient succédé aux semaines...

Luun vivait toujours au dispensaire, bien que de toute évidence il fut maintenant totalement guéri. Il avait meublé ses journées en lisant les ouvrages mis à sa disposition par Lidael, ou en parcourant les bois d'Antonica. Qu'il était bon de se sentir libre de toute contrainte, de toute urgence et de n'avoir pour tout problème que celui de décider si demain il chasserait le lièvre ou l'antilope. Même s'il avait eu quelques échos diffus des affaires de Norrath pendant sa convalescence, il laissait aux Gardiens le soin de s'occuper des dessins prédisant une énième fin du monde, et depuis quelques temps il avait tout simplement cessé de prêter l'oreille aux rumeurs. Et les rumeurs, comme les gens, l'avaient laissé tranquille. Même Gypsae n'avait pas donné suite à sa lettre, jusqu'à ce qu'il la croise fortuitement dans un campement des Sands.

Ils avaient discuté... pas loin d'une nuit entière. Luun lui avait fait part de ses inquiétudes et... à la réflexion elle n'avait pas dit grand chose et beaucoup sous entendu, comme à son habitude. L'atmosphère était toujours un peu tendue entre eux, mais le temps tout comme les liens d'amitié faisaient leur oeuvre, et le jour s'était levé sur quelques éclats de rire.
Quant à l'invitation à prendre soin de lui, il avait pu la retourner à Gypsae, car le pire qui pouvait lui arriver, ce devait être de se fouler une cheville en courant après un lapin.

Puis Luun s'en était retourné à Qeynos où Lidael l'attendait. Il y a quelques jours à peine, elle lui avait fait part de ce projet qui lui tenait tellement à coeur... Ils le réaliseraient ensemble, Luun s'y était engagé. Retourner à Kelethin, retourner dans les terres de leur peuple, à l'endroit même où ils avaient fait leurs premiers pas côte à côte, rien ne pouvait réjouir plus le Feir'Dal.

[Luun]

Le coursier avait déposé le message au dispensaire. Une lettre tout simple, mais qui tranchait singulièrement avec ce à quoi Luun aurait pu s'attendre de la part de celle qui l'avait rédigé.

"Je suis aux docks d'Antonica. J'aimerai te parler si tu as une minute. Lilaen"

Il n'en fallait pas plus pour éveiller la curiosité du Feir'dal tant cela tranchait avec les mots durs de la jeune Ayr'dal l'avant veille. Elle l'attendait sur les docks, semblant surprise qu'il vienne au rendez-vous fixé. Il se borna à lui répondre que quelques mots judicieusement choisis avaient plus d'effets qu'un tas de cadavres encore fumants. Lilaen lui proposa d'aller discuter dans un endroit plus calme et il opta pour les Terres Communes, un lieu qu'il avait apprécié à une période aujourd'hui révolue. Un choix non dénué de sens, encore faudrait-il que son interlocutrice sache le déchiffrer.

Lilaen avait des questions sur les moyens de contacter les messagères. Si la réponse à cette interrogation était courte, la suite de la discussion s'engagea par contre sur certains aspects du passé, sur ce qui avait été oublié d'une part, et sur les chapitres d'une histoire à clore de l'autre. Lilaen avait des intérêts parfois déconcertants sur certains détails de son passé, occultant par ailleurs complètement d'autres aspects. La question de leur cohabitation suivit rapidement et elle s'annonçait épineuse, Lilaen ne cachant pas sa volonté d'éliminer le Feir'dal pour ce qu'il avait représenté dans un passé qu'elle avait oublié et qu'elle passait encore beaucoup de temps à chercher et à .. fuir ?

Elle voulait de toute manière éliminer tout ce qui la rattachait à ce passé oublié, même si ses motivations restaient assez peu compréhensibles. Mais dans le cas présent, elle regrettait surtout que l'amitié qui liait Luun à Gypsae lui interdise de mettre son plan à exécution. Cela l'arrangerait qu'elle ait à répondre à une agression qui justifierait son acte, mais Luun avait pris parti de mettre en lumière les lacunes de son plan, comme si tout cela lui glissait dessus. Il était curieux et il voulait savoir où il pouvait placer la limite, jouant la provocation sous son apparente nonchalance. Lilaen lui dit qu'il était trop sur de lui. Il reconnut une partie des forces de son interlocutrice afin d'adoucir ses propos sur ses faiblesses et lui conseilla de mener ses batailles sur ses points forts plutôt que sur ceux de ses adversaires.

Pour Luun, cette discussion était à la fois douce et amère. Il ne remettait pas en cause la liberté de choix de Lilaen, ni la voie qu'elle suivait. Il ne faisait pas plus d'amalgame avec celle qu'elle avait été et celle qu'elle était, celle qui avait à jamais disparu, et celle qui vivait. Mais... les choses étaient moins simples qu'il voulait bien le montrer, parce que lui n'avait pas oublié, même si ses proches l'avaient convaincu de tourner la page.

Quand il lui proposa de la déposer à Antonica, et qu'il se concentra pour ouvrir le portail druidique, Lilaen bondit, le poussa au sol et lui déposa sa lame sur la gorge. Elle voulait que les choses soient claires: il vivait parce qu'elle seule l'avait décidé, pas Gypsae. Mais quand il lui dit d'aller au bout de son acte, elle refusa et rengaina sa lame. Ils discutèrent encore un moment. Elle lui proposa d'aller visiter la demeure des messagères avec elle, et il accepta, surtout pour assouvir sa curiosité. Lilaen prit finalement congé, lui souhaitant même un bon retour.

C'était une soirée intéressante, une de celles où les mots avaient un sens, mais où les actes en révélaient plus long que les paroles. Luun rentra à Qeynos. Non, il n'avait pas de souci à se faire, pas dans l'immédiat.

[Luun]

Luun s'éveilla avec les premières lueurs du jour. L'air était frais dans les instants précédant le lever du soleil et le feu qu'il avait fait sur la plage s'était éteint durant la nuit. Le Feir'dal remua la cendre et souffla sur les braises encore chaudes, alimentant le foyer en petit bois pour obtenir une flambée.

La Feir'dal avait disparu avant qu'il ne s'éveille, ne laissant pour seule trace que celles de leurs corps dans le sable. Luun sourit. Il l'avait rencontrée l'avant veille quand il s'était réveillé dans ce manoir des plaines arides. L'endroit faisait froid dans le dos, la famille qui y vivait avait été massacrée par les vampires qui avaient pris possession des lieux. Et il semblait que le menu du jour était composé de deux Feir'dals, merci pour eux.

Sa compagne semblait avoir un lien particulier avec les esprits, et la tuerie perpétrée dans cette maison l'avait visiblement touchée. Sa fureur atteignit son paroxysme quand elle découvrit les fantômes des enfants dans leur chambre. Le hasard avait bien fait les choses, car une mystique était bien plus à même que lui d'exorciser la demeure. Elle finit par sortir ses herbes et leur fit fumer un mélange destiné à étendre leurs perceptions. Luun avait vécu la fin des combats dans une sorte de brouillard, son esprit semblant emmagasiner les odeurs, les couleurs et les sons avec une précision qu'il n'avait jamais connue auparavant. Il se sentait juste bien, et complètement desinhibé. C'est peut être ce qui l'avait conduit à l'embrasser quand ils s'étaient rapprochés. Elle en avait ri, et avait dit avoir trouvé cela agréable. Luun l'avait invitée à diner et elle avait passé la nuit chez lui. Il lui avait même laissé sa chambre, bien qu'il fut clair pour lui qu'elle l'attirait.

Le matin l'avait trouvée dans la cuisine, et ils avaient décidé de passer la journée ensemble. Il l'avait à nouveau embrassé, ce qui était la façon la plus directe de lui dire que les herbes n'expliquaient pas tout, et surtout parce qu'elle lui plaisait. Et cela semblait réciproque, du moins n'avait-elle pas marqué son désaccord. Les choses s'étaient ensuite enchainées naturellement d'elles-mêmes, jusqu'à cette nuit sur la plage d'Antonica. Luun ne cherchait de toute manière pas de relation plus poussée, vivre au jour le jour lui convenait, et la dessus, ils semblaient tous deux en accord.

Luun déposa une bouilloire sur les flammes et se glissa dans les eaux de l'océan pour se débarrasser du sable qui lui collait à la peau. L'eau était plus chaude que l'air ambiant et c'était un délice de se baigner à cette heure. Le sel marin provoquait un léger picotement là où la Feir'dal l'avait griffé durant leurs ébats sur la plage. La nuit avait été plus que torride et le choix du lieu avait donné un piquant tout particulier à l'expérience.

La bouilloire siffla. A regret, le Feir'dal sortit de l'eau et récupéra ses vêtements épars sur la plage. Il but le thé encore brûlant avant de recouvrir le foyer sous le sable pour éteindre son feu.

Luun jeta un dernier regard à l'étendue d'eau qui miroitait sous les premiers rayons du soleil levant. Glissant la main dans sa poche, il sentit le contour de la feuille pétrifiée que Gypsae lui avait offert peu de temps auparavant. Trouver un coin tranquille où lire et réfléchir... oui ça pouvait être une idée. Il prit donc le chemin de Qeynos, la tour des mages pourrait peut être lui apporter des réponses. Des réponses pour lesquelles il n'avait pas encore de question bien précise, d'ailleurs...